Un cours en ligne

Le contenu de ce blog est périssable.
Il s'agit de notes de cours, ou plutôt de schémas de cours, qui me servent pour traiter le programme de Lettres-philosophie devant mes classes de CPGE scientifiques, de première et de seconde année. Chaque année un nouveau thème, deux nouvelles oeuvres littéraires et une oeuvre philosophique.
J'en assume l'entière responsabilité, y compris lorsque s'y mêlent des jugements personnels sur des oeuvres et des auteurs, des conseils de lecture peu orthodoxes ou des pointes d'ironie. Le mot d'ordre que je m'efforce de suivre, lié à la lecture de Harry G. Frankfurt, est de ne pas mentir quand il est possible de baratiner, de ne pas baratiner quand ce n'est pas absolument nécessaire.

jeudi 19 septembre 2013

Corrigé du test de rentrée, commentaire du chapitre X de Sylvie

Sylvie, X. Le Grand Frisé, début du chapitre

« J’ai repris le chemin de Loisy ; tout le monde était réveillé. Sylvie avait une toilette de demoiselle, presque dans le goût de la ville. Elle me fit monter à sa chambre avec toute l’ingénuité d’autrefois. Son œil étincelait toujours dans un sourire plein de charme, mais l’arc prononcé de ses sourcils lui donnait par instants un air sérieux. La chambre était décorée avec simplicité, pourtant les meubles étaient modernes, une glace à bordure dorée avait remplacé l’antique trumeau, où se voyait un berger d’idylle offrant un nid à une bergère bleue et rose. Le lit à colonnes chastement drapé de vieille perse à ramage était remplacé par une couchette de noyer garnie du rideau à flèche ; à la fenêtre, dans la cage où jadis étaient les fauvettes, il y avait des canaris. J’étais pressé de sortir de cette chambre où je ne trouvais rien du passé. « Vous ne travaillerez point à votre dentelle aujourd’hui ?… dis-je à Sylvie. — Oh ! je ne fais plus de dentelle, on n’en demande plus dans le pays ; même à Chantilly, la fabrique est fermée. — Que faites-vous donc ? » Elle alla chercher dans un coin de la chambre un instrument en fer qui ressemblait à une longue pince. « Qu’est-ce que c’est que cela ?C’est ce qu’on appelle la mécanique ; c’est pour maintenir la peau des gants afin de les coudre. — Ah ! vous êtes gantière, Sylvie ?Oui, nous travaillons ici pour Dammartin, cela donne beaucoup dans ce moment ; mais je ne fais rien aujourd’hui ; allons où vous voudrez. » Je tournais les yeux vers la route d’Othys : elle secoua la tête ; je compris que la vieille tante n’existait plus. Sylvie appela un petit garçon et lui fit seller un âne. « Je suis encore fatiguée d’hier, dit-elle, mais la promenade me fera du bien ; allons à Châalis. »

Le passage soumis au commentaire forme un ensemble assez bien délimité. Aucune action particulièrement dramatique ni aucune tragédie soudaine ne s'y déroulent, mais néanmoins un puissant effet s'en dégage. Car, comme nous le verrons ce texte nous parle avec sensibilité qu'une rencontre, ou plutôt de l'échec d'une rencontre.

L'explication de ce passage ne peut se contenter de vagues propos sur l'art nervalien de désigner les temps agrémentés de considérations psychologisantes : le narrateur vit dans le passé et développe un état d'esprit nostalgique. Il est mal à l'aise, il est même carrément déprimé.
Ce genre de lecture serait extrêmement superficiel.

Une autre erreur serait de se référer au "temps vécu" sans lire attentivement les renseignements fournis par le narrateur. S'il peut être question de temps vécu, ce n'est pas au début de notre étude, mais à sa fin. Quand, ayant compris ce qui se joue dans cette scène, dans la chambre puis lors de la conservation avec Sylvie, nous serons en mesure de relancer le questionnement.
Vouloir amener une réponse, avant que d'avoir compris ce qui mérite d'être questionné, voilà encore une façon de faire déplorable.

Commençons notre lecture.
Le passage semble bien s'articuler autour de la confession, « J’étais pressé de sortir de cette chambre où je ne trouvais rien du passé ». Mais au lieu de se lancer dans une enquête psychologique et de prescrire du Prozac au narrateur, mieux vaut se poser la question du sens de cette volonté (quitter la chambre) et de ce jugement (ne rien retrouver du passé). Car l'une et l'autre posent problème. Le narrateur n'est en rien pressé de quitter Sylvie, mais semble la fuir en voulant sortir de sa chambre. Il est avide d'un passé mais pas du passé, d'un passé qui n'est peut-être qu'imaginaire. En effet, comment peut-il croire que les choses ont changé quand c'est au contraire la permanence des objets et de Sylvie elle-même qui est remarquable ?
Considérons le visage de Sylvie, emblématique de toute sa personne. Il s'offre au narrateur conformément au souvenir qu'il avait gardé d'elle ! Sylvie est aussi belle qu'hier ; «  son œil étincelait toujours dans un sourire plein de charme ». Certes quelque chose a changé, mais rien d'objectif, «l’arc prononcé de ses sourcils lui donnait par instants un air sérieux  » ; non seulement le changement est épisodique, mais il est aussi subtil, concernant uniquement l'arc des sourcils. Le narrateur a l'impression, encore vague, qu'un trait du visage, de temps en temps, accuse un sérieux que Sylvie n'avait pas auparavant, trois ans plus tôt. Il s'imagine qu'elle est parfois plus sérieuse. C'est bien à un travail de l'imagination, à un sérieux imaginaire, que renvoie cette courbure de l'arc des sourcils.

Il est question de modernité dans cet extrait de texte. La modernité se conjugue, croit-on savoir avec la science, la technique industrielle et la puissance de l'argent. Mais, dans une époque pré-industrielle, au tout début de la modernisation des cadres de vie, elle existe déjà. Et alors elle donne par instant aux choses un air nouveau, un aspect différent. Ces choses demeurées simples sont "pourtant modernes". La modernité n'est pas comme la solidité une qualité des choses, mais quelques chose d'autre qui est apporté par le regard, qui jaillit d'une interprétation du réel. 

Nous tenons là une sorte de clé de lecture. La description est symbolique. La permanence des choses et des êtres est le fond sur lequel peut apparaître d'infimes modifications. La modernité est le résultat de ses impressions, conjuguées en un jugement de valeur. Ce qui est déstabilisant pour le narrateur ce n'est pas que le passé soit résolu, que le temps ait fait son œuvre en vieillissant les personnes et en usant les choses, mais qu'une évolution se soit produite, et que, par conséquent, le présent toujours pas stabilisé puisse contenir en germe des ruptures bien plus significatives encore. Le narrateur n'est pas nostalgique, si l'on tient vraiment à faire de la psychologie, mais anxieux. Il s'inquiète de ce que peut lui réserver l'avenir. Des signes avant-coureur lui font croire au pire.
Pourquoi veut-il quitter la chambre ? Pour échapper à ces impressions qui l'inquiètent, pour ne plus penser à ces mutations à venir qu'il pressent et n'espère pas ! Car, comme on dit vulgairement, il ne veut pas « tourner la page ». Pourquoi ne retrouve-t-il rien du passé dans la chambre de Sylvie ? Parce que, dans son esprit, la force des impressions est telle qu'elle occulte bientôt la sensation première, celle du maintien des choses. Son jugement est impitoyable. Il saisit le moindre signe pour déceler ce qui dans ces choses est soumis à un facteur d'évolution. Celle-ci se fait certes en douceur, degré par degré. Mais elle semble inléluctable. Suivant un mécanisme psychologique bien connu, l'esprit du narrateur s'appuie sur des indices infimes, cherche à confirmer ses alarmes d'abord vagues puis de plus en plus précises et réussit donc fort bien à attiser ses craintes.

Appliquons cette clé de lecture à l'ensemble de la description de la chambre. Le narrateur affirme d'emblée que « la chambre était décorée avec simplicité, pourtant les meubles étaient modernes ». Il note ainsi la permanence du plus important, la simplicité de Sylvie, comme fond sur lequel vont se dévoiler ou se détacher les traces de changement, les germes de rupture, bref la modernité redoutée.
En commençant par la fin de la description, entrons dans l'analyse des détails.

Les canaris, en place des fauvettes. Tout est là comme hier, la cage près de la fenêtre, des oiseaux dans la cage. Mais ce ne sont plus des fauvettes (de l'ordre des Sylviidés), ce sont désormais des canaris ou serins des Canaries (de la famille des Fringillidés) qui occupent la cage !
En quoi est-ce remarquable ? Avec sa couleur jaune, le canari est plus voyant que la fauvette, pas nécessairement plus beau. Il chante bien, mais pas mieux que d'autres comme le pinson ou le rouge-gorge ! Le remplacement de l'un par l'autre symbolise en fait un changement d'époque. Hier les paysans posaient de la glu dans les arbres et capturaient des passereaux, des pies, des merles. Désormais il existe un marché des oiseaux d'importation. Ce ne sont plus seulement les nobles ou les riches bourgeois qui peuvent s'acheter un oiseau exotique, une perruche ou un perroquet. Dans le Valois, la vogue des oiseaux venus de loin s'est développée. Sans doute depuis peu, et essentiellement par l'activité de personnes qui se livrent à l'élevage de leurs propres oiseaux à titre de passe-temps, imitant en cela les nobles du XVIIe et les bourgeois du XVIIIe siècle.
Pour avoir remplacer les fauvettes par des canaris, Sylvie n'est en rien coupable. La nouvelle espèce chante aussi bien voire mieux que l'ancienne. Elle est néanmoins symbolique de la modernité, comme époque qui ne s'encombre pas des traditions et où se démocratisent des activités plaisantes comme le sport, la lecture, la musique savante ou l'ornithologie.

La couchette en noyer avec sa flèche à la place d'un lit à baldaquin. Là encore la différence est subtile. Et Sylvie n'a commis aucun crime de lèse-majesté en choisissant le mobilier moderne contre le plus ancien. Au contraire la permanence est accusée, doublement. Par l'essence dans laquelle est faite la couchette : le noyer, bois rustique s'il en est. Dans les grandes villes, chez ces parvenus qui ont lancé la mode « empire » les couchettes ou banquettes sont en bois exotique, en diverses sortes d'acajou. Mais dans la chambre d'une demoiselle du Valois, c'est le bois local qui reste employé. Par le maintien d'un dais minimal. Les formes ont évolué, copiant la mode de l'antique. Mais la permanence est encore nette. Si le baldaquin, « chastement drapé de vieille perse à ramage», fait partie de l'histoire ancienne, il est d'une certaine manière conservé en étant remplacé par une structure plus légère, par le rideau accroché à la flèche de laiton, en tête du lit ! Ce qui est ainsi appréhendé par le regard du narrateur est ce syncrétisme des formes et des matières, l'adaptation des choses au goût du jour. Ceux qui, comme Sylvie, ont quelques moyens peuvent troquer leurs vieux meubles pour de plus modernes, moins rustiques, mais pas forcément plus confortables.

La première chose remarquable est aussi la première aperçue par le narrateur : le miroir doré qui a remplacé le vieux trumeau et son « berger d’idylle offrant un nid à une bergère bleue et rose ». Là le changement semble plus marqué. La dorure même des bords de la glace peut apparaître suspecte : signe d'une conversation à une esthétique du paraître et même du voyant. Du « bling-bling » dit-on aujourd'hui. Mais miroir comme panneau de bois décoré sont fondamentalement un seul et même dispositif. Ce sont des objets dans lesquels nous projetons notre regard et qui nous permettent une identification. Le miroir me permet de reconnaître ma propre image ; le trumeau avec son décor me donne à voir l'image idéalisé à laquelle il m'est permis de m'identifier. Avec l'un je me découvre comme je suis et doit apparaît aux autres. Avec l'autre je découvre qui je peux être, berger ou bergère, amant ou amante, poète ou muse. Là encore les choses sont subtiles. Le miroir n'est pas un instrument du diable. Ce n'est pas un artifice qui suscite immédiatement un réflexe narcissique. C'est toutefois un objet qui n'est pas neutre en ce qu'il participe d'un esprit neuf, récemment découvert ou revendiqué par de fortes personnalités, celui qui avec le romantisme instaure la primauté du « je » sur la société, défend la revendication à l'émancipation des individus. Le trumeau lui-même n'était pas un décor innocent. L'identification à une fiction, celle du chevalier servant, a pu faire perdre la tête à Don Quichotte ! Mais force est de constater que l'esthétique en bleu et rose des bergers et bergères d'Arcadie ne fait plus rêver que de rares personnes au début du XIXe siècle. Bientôt les romans au goût du jour, un peu moins chastes ou vertueux, vont formidablement se répandre et considérablement influencer les esprits, suscitant dans les campagnes des crises de bovarysme !

Les impressions font donc système. Elles se confirment mutuellement. Sylvie est toujours aussi simple, mais elle subit l'influence d'une époque qui aime la nouveauté, l'art, la légèreté, l'exotique, le confort.
Le narrateur résiste sans doute à ces influences, cultivant contre la majorité de ses concitoyens, un amour du XVIIIe siècle, voire du passé plus lointain et archaïque. Que signifie donc la chambre ?
Dans les rêves du narrateur, elle évoque le mariage mystique, l'amour platonique avec Sylvie, le jeu des épousailles du chapitre VI. Elle est alors le lieu de la rencontre des cœurs et des esprits. Mais la chambre moderne n'est pas un tel écrin. Il n'est pas fait pour la réitération des promesses. Au contraire, Sylvie échappe au narrateur en s'autonomisant, en acquérant de la valeur pour son entourage, en devenant une femme à marier, même si elle est pour l'instant toujours demoiselle. La fin du chapitre lui dresse une couronne de lauriers, elle est devenue une « fée industrieuse ». Mais cela veut dire qu'elle n'est plus la fée des contes de fées auquel le narrateur jadis a rêvé de l'identifier.
La modernité c'est un ensemble de choses matérielles et non matérielles. Mais attention à ne pas forcer le trait. En France, dans les campagnes, à cette époque, il ne s'agissait aucunement du triomphe de la révolution industrielle, comme en Angleterre, mais seulement de ses prémisses. Une seule chose est évidente, la chute de l'ancien monde. Ce qui se voit c'est le déclin de certaines habitudes et l'émergence de nouvelles. Ce qui se constate c'est le changement des goûts et des aspirations du plus grand nombre. Dans le Valois les paysans cultivent toujours la terre, mais les « fabriques » ont fermé. Hier elles s'étaient multipliées, regroupant dans leurs murs des activités nécessitant de la main d'œuvre, comme la production de la dentelle. Aujourd'hui elles sont vides car cette production n'a pas été maintenue. Cela ne veut pas dire que toute activité complémentaire à l'agriculture a disparu, mais qu'elle s'est ré-orientée. Et si elle l'a fait, ce n'est pas parce que des ordres sont venus d'en haut, impulsés par les nouveaux maîtres de la France, mais parce que le marché (au sens contemporain de lieu où les marchandises se vendent et s'achètent librement) est en train d'opérer une crise et de restructurer l'offre en répondant au mieux à la demande ! Sous l'Ancien Régime la dentelle était une activité lucrative, pour quelques privilégiés ayant le monopole de la vente. Chez eux ou dans les fabriques concentrant la force de travail, les ouvriers et ouvrières étaient exploités pour un salaire de misère. Ils étaient même obligés de produire sous peine de lourdes sanction. La dentelle, c'était le bagne au quotidien, le travail forcé pour le tiers-état. La libéralisation du marché a depuis fait son œuvre, fort utile. Pourquoi dire ou penser ses « ravages » ? Maintenant les ouvriers qui ne sont plus corvéables peuvent choisir leur activité. Ils peuvent se mettre, comme Sylvie, à faire des gants pour les bourgeois et les snobs de tout poil. Et même s'ils ne s'enrichissent pas énormément, ils font plus que survivre. Leur travail leur permet l'aisance qu'ils n'avaient encore jamais connue. C'est le progrès, incarné par la « mécanique » même si cet objet de fer n'est qu'une vulgaire pince. Sylvie n'est pas l'ouvrière d'un système industriel, mais l'ouvrière d'un système de production resté artisanal. Le point décisif, toutefois, est dans l'esprit moderne qui a triomphé, permettant à Sylvie de dire en toute innocence « je ne fais plus de dentelle, on n’en demande plus dans le pays » ou encore « Oui, nous travaillons ici pour Dammartin, cela donne beaucoup dans ce moment ». Comme si la chrématistique n'était plus une mauvaise chose. Comme si la loi de l'offre et de la demande allait maintenant régner sur la société pour les siècles des siècles.

Que dit le narrateur au début de son récit, alors que la rencontre avec Sylvie était encore prometteuse ? Il est déjà très clair : « Sylvie avait une toilette de demoiselle, presque dans le goût de la ville ». Insistons sur la valeur du « presque ». Non, Sylvie n'est toujours pas mariée. Elle reste une demoiselle dont le coeur est à prendre. Non elle n'est pas une néo-bourgeoise ayant nié ses origines. Elle est restée fidèle à ses parents comme à sa terre. Elle est toujours une paysanne au fond d'elle-même. Mais elle s'est embourgeoisée, car sa vie est plus confortable, plus heureuse, plus libre. Sa génération est en train de connaître une sorte d'élévation sociale. Sylvie en profite, comme beaucoup d'autres. Elle n'est plus dentellière mais gantière à présent.
Le décalage avec le narrateur provient du fait que lui, le vrai bourgeois, l'enfant de la ville, a quitté la ville pour rejoindre un pays natal idéalisé, pas pour découvrir cette campagne qui se modernise et peu à peu arrive à nier le fossé qui la sépare des villes. L'opposition, si nette quand on regarde les parcours, n'est donc pas une opposition de caractère. Sylvie ne se détourne pas de lui, n'a pas moins de charme ni de générosité qu'avant. Mais elle a désormais quelque chose en plus ! Elle peut paraître plus sérieuse, plus raisonnable, plus intéressée, plus prosaïque. Car elle ne donne pas le même sens à la crise que lui. Pour elle, c'est une chance de promotion sociale et de bonheur effectif. Pour lui, c'est le danger actuellement le plus menaçant, celui de l'engloutissement de ses rêves de noblesse hors du temps et de grâce éternelle.

La route de Châalis peut encore être parcourue, de concert. Sylvie apprécie la compagnie du narrateur, qui peut toujours s'en sentir flatté.

La vieille tante n'est plus. Il a suffit d'un signe pour que le narrateur s'en rende compte, un regard qui se détourne pudiquement. Et la confirmation du décès va venir un peu plus tard. La route de Loisy ne pourra plus être empruntée dans l'intention d'y revivre l'ancienne idylle, sous le même chaperonnage. 

Le décalage existe. Rien n'est stable ni assuré dans ce monde où des forces prodigieuses agissent. Or que se passe-t-il quand deux personnes sont en un même lieu mais ne donnent pas la même signification aux évènements qu'ils vivent ou bien aux frémissements qu'ils observent autour d'eux ? Demeurent-ils réellement des contemporains ?
Or, avec cette question-là, c'est maintenant que la thématique du temps vécu peut être convoquée. Et seulement parce que cette question subtile fait écho au texte subtil de Nerval.
Au moment de la rencontre, dans ce lieu symbolique qu'est la chambre, la contemporanéité n'est plus une évidence pour le narrateur. L'éloignement « psychologique » qui s'opère est sans doute imaginaire. S'il veut encore se marier avec Sylvie, il le peut assurément. Seul importe le consentement de Sylvie. L'éloignement en pensées est-il pourtant réel ? Peut-il encore se marier avec la personne qu'il souhaite épouser ?

Il faudra se souvenir de ce chapitre X, Le Grand Frisé, quand nous aborderons avec Vincent Descombes, Le Raisonnement de l'ours (Seuil, 2007), chapitre « Le présent, l'actuel, le simultané et le contemporain », cette question délicate des conditions à remplir pour que deux personnes réunies en un même lieu soient bien des contemporains et pas seulement des personnes qui vivent de fait à la même époque.


Sur le Prozac, un article du Monde :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/08/19/le-prozac-est-redevenu-un-medicament-comme-les-autres_1230055_3224.html

Plus sérieusement !
     Une dissertation développant le thème du XXVIIIe siècle dans Sylvie
"Le XVIIIe siècle dans Sylvie (Nerval)" par Tina Male
     Et une étude plus philosophique de l'oeuvre de Nerval où l'on trouve de belles pages consacrées à la "nymphe" ou "fée" qu'est Sylvie, l'importance symbolique des couleurs bleu et rose :
Sarah Kofman, Nerval, le charme de la répétition (éd. L'Age D'homme - Cistre, essai n°6)
http://books.google.fr/books?id=siNRZaxxC2MC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

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