Un cours en ligne

Le contenu de ce blog est périssable.
Il s'agit de notes de cours, ou plutôt de schémas de cours, qui me servent pour traiter le programme de Lettres-philosophie devant mes classes de CPGE scientifiques, de première et de seconde année. Chaque année un nouveau thème, deux nouvelles oeuvres littéraires et une oeuvre philosophique.
J'en assume l'entière responsabilité, y compris lorsque s'y mêlent des jugements personnels sur des oeuvres et des auteurs, des conseils de lecture peu orthodoxes ou des pointes d'ironie. Le mot d'ordre que je m'efforce de suivre, lié à la lecture de Harry G. Frankfurt, est de ne pas mentir quand il est possible de baratiner, de ne pas baratiner quand ce n'est pas absolument nécessaire.

mercredi 18 septembre 2013

Test de rentrée

Questionnaire de rentrée (4 heures)
Le temps vécu

La notation de ce devoir tiendra compte de la présentation, de la correction de l'orthographe et de la rigueur du propos en général.


I. Lecture et étude des trois œuvres au programme (3 heures)

Voici trois extraits. Lisez-les attentivement puis produisez un commentaire pour chacun.

A. Sylvie, X. Le Grand Frisé

J’ai repris le chemin de Loisy ; tout le monde était réveillé. Sylvie avait une toilette de demoiselle, presque dans le goût de la ville. Elle me fit monter à sa chambre avec toute l’ingénuité d’autrefois. Son oeil étincelait toujours dans un sourire plein de charme, mais l’arc prononcé de ses sourcils lui donnait par instants un air sérieux. La chambre était décorée avec simplicité, pourtant les meubles étaient modernes, une glace à bordure dorée avait remplacé l’antique trumeau, où se voyait un berger d’idylle offrant un nid à une bergère bleue et rose. Le lit à colonnes chastement drapé de vieille perse à ramage était remplacé par une couchette de noyer garnie du rideau à flèche ; à la fenêtre, dans la cage où jadis étaient les fauvettes, il y avait des canaris. J’étais pressé de sortir de cette chambre où je ne trouvais rien du passé. « Vous ne travaillerez point à votre dentelle aujourd’hui ?… dis-je à Sylvie. — Oh ! je ne fais plus de dentelle, on n’en demande plus dans le pays ; même à Chantilly, la fabrique est fermée. — Que faites-vous donc ? » Elle alla chercher dans un coin de la chambre un instrument en fer qui ressemblait à une longue pince. « Qu’est-ce que c’est que cela ? — C’est ce qu’on appelle la mécanique ; c’est pour maintenir la peau des gants afin de les coudre. — Ah ! vous êtes gantière, Sylvie ? — Oui, nous travaillons ici pour Dammartin, cela donne beaucoup dans ce moment ; mais je ne fais rien aujourd’hui ; allons où vous voudrez. » Je tournais les yeux vers la route d’Othys : elle secoua la tête ; je compris que la vieille tante n’existait plus. Sylvie appela un petit garçon et lui fit seller un âne. « Je suis encore fatiguée d’hier, dit-elle, mais la promenade me fera du bien ; allons à Châalis. »

B. Mrs Dalloway

(...) Elle regardait ainsi à travers la vitre la vieille dame d'en face montant à l'étage. Laissons la monter les escaliers si elle le voulait ; laissons la s'arrêter ; laissons la ensuite gagner sa chambre, comme Clarissa l'avait souvent vu faire, entrouvrir ses rideaux puis à nouveau se poster à l'arrière, dans l'ombre. Quoiqu'on pense de cela - cette vieille femme regardant par la fenêtre, inconsciente d'être vue elle-même ... Il y avait quelque chose de solennel dans cela ; mais l'Amour et la Religion détruiraient cela, quoique ce soit, la privauté de l'âme. L'odieuse Kilman détruirait cela. Cette vision lui donnait envie de pleurer.
L'amour détruisait aussi. Tout ce qui était bon, tout ce qui était vrai passait. Prenez Peter Walsh. Il fut un homme charmant, intelligent, avec des idées sur tout. Si vous vouliez en apprendre sur le pape disons, ou sur Addison, ou juste discuter de l'absurde, avec qui que ce soit, à propos de quoi que ce soit, Peter en savait plus que n'importe qui. C'était Peter qui l'avait aidée, Peter qui lui avait prêté des livres. Mais regardez les femmes qu'il a aimées - vulgaires, triviales, ordinaires. Pensez au Peter amoureux - il vint la voir après toutes ces années, et de quoi lui parla-t-il ? De lui. Horrible passion ! Dégradante passion ! pensa-t-elle, songeant à Kilman et son Elizabeth se rendant aux Army et Navy Stores.
Big Ben sonna la demi-heure.
Comme cela était extraordinaire, étrange oui, touchant, de voir la vieille dame (elles avaient été voisines pendant tant d'années) s'éloigner de sa fenêtre, comme si elle était reliée à ce son, à cette corde. Aussi incroyable que cela fût, cela avait quelque chose à voir avec elle. Au milieu des choses ordinaires, le doigt baissait, tombait, rendant le moment solennel. Elle était obligée par ce son, s'imaginait Clarissa, de bouger, d'aller quelque part - mais où ? Clarissa essaya de la suivre alors qu'elle tourna et disparut, et elle parvint juste à voir son bonnet blanc se déplacer dans le fond de la pièce. Pourquoi des credos, des prêtres et des mackintoshs ? alors que, pensait Clarissa, voilà le mystère, voilà le miracle ; cette femme oui, qu'elle pouvait voir aller de la commode à la table de toilette. Elle pouvait encore la voir. Et le mystère suprême dont Kilman prétendrait avoir la solution, ou dont Peter prétendrait avoir la solution, mais dont Clarissa était sûre qu'aucun d'entre eux n'avait encore l'ombre d'une solution, ce mystère suprême n'était que cela : il y avait ici une chambre, là une autre. Est-ce que la religion répondait à cela, ou l'amour ?

C. Essai sur les données immédiates de la conscience

Bref, lorsque le déplacement de mon doigt le long d’une surface ou d’une ligne me procurera une série de sensations de qualités diverses, il arrivera de deux choses l’une : ou je me figurerai ces sensations dans la durée seulement, mais elles se succéderont alors de telle manière que je ne puisse, à un moment donné, me représenter plusieurs d’entre elles comme simultanées et pourtant distinctes ; — ou bien je discernerai un ordre de succession, mais c’est qu’alors j’ai la faculté, non seulement de percevoir une succession de termes, mais encore de les aligner ensemble après les avoir distingués ; en un mot, j’ai déjà l’idée d’espace. L’idée d’une série réversible dans la durée, ou même simplement d’un certain ordre de succession dans le temps, implique donc elle-même la représentation de l’espace, et ne saurait être employée à le définir.


II. Réflexion sur une expression courante (1 heure)

L'homme est-il prisonnier du temps ?


Dégagez la problématique de ce sujet de dissertation. Vous pouvez apporter tous les éléments de réflexion que vous souhaitez ; ce n'est pas une introduction rédigée qui est demandée, seulement une réflexion qui indique la façon dont il faut, à votre avis, aborder et traiter le sujet.

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