Un cours en ligne

Le contenu de ce blog est périssable.
Il s'agit de notes de cours, ou plutôt de schémas de cours, qui me servent pour traiter le programme de Lettres-philosophie devant mes classes de CPGE scientifiques, de première et de seconde année. Chaque année un nouveau thème, deux nouvelles oeuvres littéraires et une oeuvre philosophique.
J'en assume l'entière responsabilité, y compris lorsque s'y mêlent des jugements personnels sur des oeuvres et des auteurs, des conseils de lecture peu orthodoxes ou des pointes d'ironie. Le mot d'ordre que je m'efforce de suivre, lié à la lecture de Harry G. Frankfurt, est de ne pas mentir quand il est possible de baratiner, de ne pas baratiner quand ce n'est pas absolument nécessaire.

mercredi 9 octobre 2013

III C Hic et nunc


     Un double mouvement spéculatif

Que se passe-t-il dans l'instant ? Que se passe-t-il à chaque instant quand j'ai un choix à faire, quand je sens au fond de moi que je peux et dois m'engager, quand donc une bifurcation se dévoile devant moi ? L'instant a beau être un point dans le déroulement du temps, il a dans mon existence une valeur tragique intrinsèque. Une fois qu'il est passé, il est passé pour l'éternité ! Il appelle donc une méditation sur la vie. Une recherche de la personnalité que nous sommes vraiment, non pas de la personne qui résulte de déterminations génétiques ou de puissants conditionnements culturels, voire de simples influences sociétales éphémères mais de la personnalité qui peut se révéler dans les moments cruciaux de notre existence.
Notre personnalité potentielle et non pas actuelle, notre" moi profond" comme le dit Bergson.

Le jour où tout bascule, qui sommes-nous ?

1. Voyager dans le passé.

Nullle personne sérieuse ne peut imaginer voyager dans le temps et pouvoir, en empruntant la machine à remonter le temps, changer d'époque. Mais le questionnement n'a que faire de cette impossibilité physique.
Pierre Bayard s'y livre à ses risques et périls dans le livre intitulé Aurais-je été résistant ou bourreau ? (éd. De Minuit, 2013) :
"Pour quelqu'un de ma génération, né après la Seconde Guerre mondiale et désireux de savoir comment il se serait comporté en de telles circonstances, il n'existe pas d’autre solution que de voyager dans le temps et de vivre soi-même à cette époque.
Je me propose donc ici, en reconstituant en détail l’existence qui aurait été la mienne si j’étais né trente ans plus tôt, d’examiner les choix auxquels j’aurais été confronté, les décisions que j’aurais dû prendre, les erreurs que j’aurais commises et le destin qui aurait été le mien."

Une telle question est-elle folle, au motif qu'aucune réponse assurée ne peut être apportée ? Non, bien sûr. Et chacun peut la reprendre à son propre compte. Qui aurais-je été, si j'avais vécu à une époque ? Qui aurais-je pu être en mai 68, en 1941 sous l'occupation nazie, en 1917 dans un régiment de poilus ?

Lecture de la quatrième partie : "Le point de bascule", chapitre premier : "De soi-même".

2. Se tourner vers l'avenir. Le temps messianique

Qu'est-ce que le temps messianique ? Ce qui est attendu, même si cela ne vient pas, quand bien même certains auraient déjà abandonné tout espoir. La venue du Messie, de l'Imam caché, d'une époque de mille ans de paix et de félicité (le millénarisme chrétien).
Le temps messianique est celui de la promesse tenue... curieux pléonasme à vrai dire que celui évoqué par l'expression "tenir sa promesse", montrant bien que dans les faits les choses ne sont pas si simples. Le temps messianique diffère du temps économique, du temps politique, du temps social sur ce point précis qu'il a contre lui la force de l'évidence. Il est nié par une myriade d'espoirs déçus, de promesses non tenues, de lâches ou sages et raisonnables abandons ! C'est alors pour celui qui croit toujours ce qui vient néanmoins, alors que lui-même n'a pas renoncé, et sans doute parce qu'il n'a pas renoncé ! C'est ce qui survient suite, précisément, à son attente... et donc aussi ce qui survient quand on ne l'attend plus... quand on ne l'attend plus comme on attend ordinairement en politique, le grand homme, ou ordinairement, en économie, le grand patron, et de manière générale l'homme providentiel !
C'est la survenance non d'un être providentiel dans le temps (car il n'existe aucun être de cette sorte, et que des imposteurs) mais d'un temps providentiel ! Temps de l'apocalypse – ou révélation – connotée positivement comme une sorte d'harmonie retrouvée, ce qui vient du fait d'une prise de risque, grâce à moi ou à la capacité que j'ai de parier, de faire confiance à autrui ou bien seulement d'avoir la foi !

D'une certaine façon nous n'avons pas abandonné le questionnement précédent ! S'il est permis de se tourner vers le passé pour le vivre en pensées et ainsi se découvrir dans sa vérité, comme personnalité potentielle, il est possible également de se tourner en pensées vers le futur pour éprouver sa personnalité actuelle, sa fragile solidité ! Sommes-nous déjà à la hauteur de notre espérance ?
Ou avons-nous encore besoin de croire dans ces substituts du Père et de la Mère que sont le parti, le programme, le dogme, le pasteur, le grand frère ?

Temps grec et temps juif, in Gérard Bensussan, le Temps Messianique. Temps historique et temps vécu (2001):
"(...) le temps grec objective les suites dans des points situés sur une ligne et inscrits dans un champ spatial et optique d’ensemble : c'est sous cette condition, un temps toujours-déjà construit, que le temps est mesurable comme objet. [Le temps juif] saisit l’ensemble des relations par lesquelles un sujet prend place, à partir de sa propre situation, dans le réseau des générations, des naissances et des morts, des descendances et des postérités, soit dans l’histoire proprement dite, en hébreu toledot, engendrements. Sous cette condition, un temps en train de se construire, le temps apparaît comme ce qui nous est mesuré, ce dont, comme nos jours, nous sommes « les enfants ». C'est tout le sens de l’eschatologie messianique telle que nous l’avons opposée à la téléologie progressiste qui s’en trouve précisé : un temps génétique, ou plutôt génésique, face à un temps objectal et structural.[…] Ce qui a été accompli dans le passé, nous l’avons sous les yeux lorsqu’il s’agit des ouvrages des ancêtres, édifices et civilisations, dans la rétrospection de la mémoire s’il s’agit des actes de nos pères, et même dans l’efficience singulière de ce qui en aura été oublié et qui reste, jusque dans sa perte."

L'«eschatologie messianique telle que nous l’avons opposée à la téléologie progressiste » ; le temps « génésique» opposé au temps « structural » ?
L'opposition d'un temps linéaire « toujours déjà construit » et d'un temps réticulé, comme réseau de relations généalogiques, est-ce l'affrontement de deux représentations du temps ou de la temporalité ? On oppose habituellement le temps linéaire et le temps cyclique ; la temporalité comme manière singulière de vivre le temps se distribue en deux modèles ou types de pensée : d'une part sous le logos philosophique, une stricte causalité ; d'autre part, avec plus d'audace, l'idée de possibles déviations, miracles, de la survenue d'évènements apocalyptiques, absolument imprévisibles, quand on ne les attend plus ou n'a aucune raison de les attendre... dans des pensées alternatives, qui sont ou peuvent être considérées comme des contre-modèles de la temporalité raisonnable.

Le temps messianique, est-ce le temps de la foi ? Attention à bien utiliser les termes de foi, confiance et fidélité ; à opposer espoir profane et espérance religieuse ; à comprendre ce temps comme un temps mythique, dont la vérité n'est pas et ne pas être historique !
Sur l'apocalypse chrétienne, le reportage de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur.

Sur la confiance qui crée des boucles de rétroaction positive :
"La Confiance", Philosophie-Arte, dialogue de avec Raphaël Enthoven avec Michela Marzano

Sur la fidélité, idée proche de celle de confiance, qui nécessite une attention particulière depuis que la société ne nous pousse plus guère à rester fidèle et que cela devient un choix, une sorte de style de vie, voir l'ouvrage d'Alain Etchegoyen La force de la fidélité dans un monde infidèle (éd. Anne Carrière, 2006). La fidélité, un temps figé ou bien un temps à réinventer en permanence ?

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