Un cours en ligne

Le contenu de ce blog est périssable.
Il s'agit de notes de cours, ou plutôt de schémas de cours, qui me servent pour traiter le programme de Lettres-philosophie devant mes classes de CPGE scientifiques, de première et de seconde année. Chaque année un nouveau thème, deux nouvelles oeuvres littéraires et une oeuvre philosophique.
J'en assume l'entière responsabilité, y compris lorsque s'y mêlent des jugements personnels sur des oeuvres et des auteurs, des conseils de lecture peu orthodoxes ou des pointes d'ironie. Le mot d'ordre que je m'efforce de suivre, lié à la lecture de Harry G. Frankfurt, est de ne pas mentir quand il est possible de baratiner, de ne pas baratiner quand ce n'est pas absolument nécessaire.

jeudi 12 juin 2014

Hic et nunc, la fuite du temps


Trois développements supplémentaires :

La problématique morale du temps n'est pas uniquement celle de son utilisation judicieuse. L'emploi du temps bien réglé ne règle au mieux que des problèmes accessoires. Il n'entrave pas la fuite du temps. Il n'évite pas la survenue de l'intempestif. Il ne résiste à vrai dire pas du tout aux sollicitations pressantes de l'instant. Volant en éclat au moindre assaut de la volonté ou de la « passion profonde » pour reprendre l'expression du chapitre I de L'Essai, il ne garantit rien.
En droit, la morale impose à tout le monde les mêmes devoirs durant toute la vie. Elle véhicule les mêmes obligations qui ne nous rapportent rien sauf l'essentiel : la préservation de notre dignité et de celle des autres. La morale nous fait accéder à l'universel.
Or il ne saurait y avoir d'emploi du temps universel ! Nous n'avons pas tous à faire la même chose de notre vie ! L'urgence des uns n'est pas celle des autres.
Si on y réfléchit attentivement, le temps n'est donc pas un ingrédient de la morale. Car il est au cœur du questionnement moral ! Celui qui cherche à faire son devoir se pose des questions, en tant que personne morale. Qu'est-ce qui nous est demandé au fond de notre cœur ? Et cela veut dire : qu'est-ce qui nous toujours d'ores et déjà demandé ? Il s'interroge encore. À quoi doit-on absolument souscrire quand on est un être humain ? Et il comprend que cela veut dire : à quoi devons-nous souscrire hic et nunc, maintenant, sans remettre à plus tard notre décision ?

En un discours d'une minute, Fabrice Hadjadj revient sur le sens moral de la durée. Y a-t-il urgence à changer, à nous changer ou à changer le monde dans lequel nous sommes ? Non, il y a urgence à conserver le monde ! Et paradoxalement il y a pour nous tous une urgence à prendre le temps de vivre, le temps de contempler les visages autour de soi, de donner sa chance à la diversité ! Bref à retrouver la durée.

Déclinons d'abord ce paradoxe de l'urgence morale en une analyse éthique, celle de la décision. Et voyons dans le cas de la rencontre authentique avec autrui quelle disponibilité est attendue de nous.
Le terme est de disponibilité est d'ailleurs à réfléchir plus longuement à qui veut penser la morale concrète. Adopter un comportement moralement juste c'est se rendre disponible. Or, s'il faut se rendre disponible, cela veut bien dire qu'un individu n'est en général pas disponible. Il ne l'est pas car il est accaparé par ses soucis du moment. Il ne l'est pas vraiment car il pense à défendre d'abord ses intérêts qui apparaissent plus urgents que les autres, pour la simple raison qu'il s'agit de ses intérêts à soi. Qu'il les a en permanence à l'esprit...
Se rendre disponible, c'est accepter un sacrifice. Même s'il ne s'agit que de sacrifier quelques secondes à écouter quelqu'un nous demander le bon chemin. Que penser d'un enfant qui n'est jamais disponible pour aider sa mère que dans cinq minutes ou plus tard ? Qu'il ne s'est pas rendu disponible. Car il ne veut pas maintenant sacrifier son jeu ou son plaisir égocentrique. Que penser d'un directeur qui accepte de recevoir un employé mais seulement pour cinq minutes car son emploi du temps est chargé et qu'il n'a guère le temps. Qu'il ne se rend pas davantage disponible, préfère maintenir un rapport hiérarchique que d'engager un dialogue, car ce directeur ne pense a priori pas trouver d'intérêt à l'entretien.
La disponibilité immédiate et sans retenue est au cœur de l'engagement moral, ce dernier ne pouvant être vraiment moral, tourné vers le bien et non l'intérêt égoïste, qu'à condition d'être généreux.

a) Le problème de la décision

La décision est bien dors et déjà pour chacun de nous un problème moral. Dans l'idéal quand j'apprends que quelqu'un souffre je reconnais immédiatement qu'il m'adresse par sa souffrance une demande : des soins, de l'aide, de la compréhension. Et puisque je reconnais effectivement que j'ai bien reçu une demande, je dois formuler une réponse au plus tôt : accepter ou refuser ce qu'on attend de moi. En acceptant je choisis de faire le bien. En refusant, je le refuse. Par exemple quelqu'un de la Croix-Rouge me sollicite dans la rue pour donner de l'argent aux sans-abris, une publicité à la radio vient de me suggérer de faire un legs pour une institution prenant en charge des orphelins, un écrivain (Peter Singer) me demande via son livre, Sauver une vie, à moi ainsi qu'à tout autre lecteur, de céder la moitié de ma fortune ou la moitié de mes revenus pour venir à bout du scandale de la misère dans le monde. Or habituellement je fais comme si aucune demande ne m'avait encore été adressée... non parce que je n'en ai reçu aucune, mais parce que je feins de le croire. Je contourne la personne de la Croix-Rouge ou change même de trottoir et quelques mètres plus loin j'ai déjà oublié sa demande, quoique je sois certain que la souffrance sur laquelle elle attirait mon attention existe toujours...

Manœuvres, comme s'il suffisait de marcher, de changer de trottoir, pour faire taire la voix morale en soi...

Cette décision de différer la décision est souvent si rapide qu'elle passe inaperçue. Mais elle est aussi très répandue et ne doit pas être considérée comme anodine.
La tendance à fuir la décision semble d'ailleurs universelle, en fait, comme la morale est universelle, en droit. Et elle semble ne pas se limiter au domaine de la charité et des sollicitation importunes dans l'ordre de la charité publique. Elle est générale. Il s'agit en réalité du comportement normal s'il en est dans toute société qu'on peut qualifier de comportement de mauvaise foi. Si cette tendance à refuser le choix est bien interprétée, il faut en effet voir que l'individu qui choisit de remettre la décision à plus tard le fait en réalité pour occulter la demande durablement, voire définitivement. Il s'agit sans doute d'un individu qui est maintes fois sollicité dans le cours de sa vie sociale et qui peut penser, ou dire, qu'il lui est matériellement impossible de répondre à toutes ces demandes qu'il ne cesse de recevoir. La vie sociale n'est plus vivable s'il s'agit d'être, en permanence, disponible aux autres !
La mauvaise foi peut être incarnée par la main qui refuse de donner au mendiant, elle est également illustrée par la manœuvre de la femme cherchant à échapper aux avances de la main d'un « prétendant », analysée finement dans L'Être et le néant de Jean-Paul Sartre :

Voici, par exemple, une femme qui s'est rendue à un premier rendez-vous. Elle sait fort bien les intentions que l'homme qui lui parle nourrit à son égard. Elle sait aussi qu'il lui faudra prendre tôt ou tard une décision. Mais elle n'en veut pas sentir l'urgence : elle s'attache seulement à ce qu'offre de respectueux et de discret l'attitude de son partenaire. Elle ne saisit pas cette conduite comme une tentative pour réaliser ce qu'on nomme "les premières approches", c'est-à-dire qu'elle ne veut pas voir les possibilités de développement temporel que présente cette conduite : elle borne ce comportement à ce qu'il est dans le présent, elle ne veut pas lire dans les phrases qu'on lui adresse autre chose que leur sens explicite, si on lui dit : « Je vous admire tant », elle désarme cette phrase de son arrière-fond sexuel, elle attache aux discours et à la conduite de son interlocuteur des significations immédiates qu'elle envisage comme des qualités objectives. L'homme qui lui parle lui semble sincère et respectueux comme la table est ronde ou carrée, comme la tenture murale est bleue ou grise. Et les qualités ainsi attachées à la personne qu'elle écoute se sont ainsi figées dans une permanence chosiste qui n'est autre que la projection dans l'écoulement temporel de leur strict présent. C'est qu'elle n'est pas au fait de ce qu'elle souhaite : elle est profondément sensible au désir qu'elle inspire, mais le désir cru et nu l'humilierait et lui ferait horreur. Pourtant, elle ne trouverait aucun charme à un respect qui serait uniquement du respect. Il faut, pour la satisfaire, un sentiment qui s'adresse tout entier à sa personne, c'est-à-dire à sa liberté plénière, et qui soit une reconnaissance de sa liberté. Mais il faut en même temps que ce sentiment soit tout entier désir, c'est-à-dire qu'il s'adresse à son corps en tant qu'objet. Cette fois donc, elle refuse de saisir le désir pour ce qu'il est, elle ne lui donne même pas de nom, elle ne le reconnaît que dans la mesure où il se transcende vers l'admiration, l'estime, le respect et où il s'absorbe tout entier dans les formes plus élevées qu'il produit, au point de n'y figurer plus que comme une sorte de chaleur et de densité. Mais voici qu'on lui prend la main. Cet acte de son interlocuteur risque de changer la situation en appelant une décision immédiate : abandonner cette main, c'est consentir de soi-même au flirt, c'est s'engager. La retirer, c'est rompre cette harmonie trouble et instable qui fait le charme de l'heure. Il s'agit de reculer le plus loin possible l'instant de la décision. On sait ce qui se produit alors : la jeune femme abandonne sa main, mais ne s'aperçoit pas qu'elle l'abandonne. Elle ne s'en aperçoit pas parce qu'il se trouve par hasard qu'elle est, à ce moment, tout esprit. Elle entraîne son interlocuteur jusqu'aux régions les plus élevées de la spéculation sentimentale, elle parle de la vie, de sa vie, elle se montre sous son aspect essentiel : une personne, une conscience. Et pendant ce temps, le divorce du corps et de l'âme est accompli ; la main repose inerte entre les mains chaudes de son partenaire : ni consentante ni résistante - une chose.
Nous dirons que cette femme est de mauvaise foi. Mais nous voyons aussitôt qu'elle use de différents procédés pour se maintenir dans cette mauvaise foi. Elle a désarmé les conduites de son partenaire en les réduisant à n'être que ce qu'elles sont, c'est-à-dire à exister sur le mode de l'en-soi. Mais elle se permet de jouir de son désir, dans la mesure où elle le saisira comme n'étant pas ce qu'il est, c'est-à-dire où elle en reconnaîtra la transcendance. Enfin, tout en sentant profondément la présence de son propre corps - au point d'être troublée peut-être - elle se réalise comme n'étant pas son propre corps et elle le contemple de son haut comme un objet passif auquel des événements peuvent arriver, mais qui ne saurait ni les provoquer ni les éviter, parce que tous ses possibles sont hors de lui. Quelle unité trouvons-nous dans ces différents aspects de la mauvaise foi ? C'est un certain art de former des concepts contradictoires, c'est-à-dire qui unissent en eux une idée et la négation de cette idée.

Dans cet exemple il s'agit d'une réponse à un désir. Pour n'avoir pas à décider tout de suite, pour n'avoir pas à décider du tout, la femme du rendez-vous comprend volontairement de travers ce qui lui est suggéré. Elle joue un rôle. Elle est de mauvaise foi dans sa manière de reculer la prise de décision. Rappelons que la mauvaise foi n'est pas forcément condamnable, du point de vue de la société qui ne peut imposer à tous d'être toujours de bonne foi.
L'attitude de la femme dans l'exemple de Sartre est d'abord une manœuvre salutaire, même s'il s'agit d'une fuite, d'une tactique de fuite. Par la mauvaise foi, on joue ou feint de jouer. On ne refuse pas des compliments mais on ne les accepte pas. On se protège des compliments qui sont autre chose que de simples compliments. On gagne ainsi un délai dans le jeu de la séduction. Protection sans doute efficace mais guère satisfaisante à terme, pour la femme elle-même qui se retrouve finalement piégée par ses contradictions. D'abord, elle chosifie son interlocuteur en lui conférant des qualités objectives, ce qui relègue sa personnalité au second rang et la neutralise ; puis, la neutralisation étant passablement inopérante du fait de l'insistance du prétendant, la femme se chosifie à son tour, comme pour élever sa propre personnalité bien au dessus des basses contingences matérielles...
Ce rôle qu'elle doit jouer est en fait dangereux. Car, indiquant ces sommets elle doit vite les rejoindre, parvenu à ses sommets, elle doit encore s'y maintenir... c'est la surenchère !

La mauvaise foi intervient tout autant dans les réponses aux commandements moraux. Dans les réponses aux obligations morales qui précisément révèlent notre liberté et ne sont aucunement des contraintes.
Ce n'est pas pour autant que le sentiment de la contrainte disparaît. En effet, par la force des émotions qu'elle suscite (pitié, amour) et par la sincérité ou l'absence d'hypocrisie qu'elle nécessite non moins implacablement qu'un théorème de mathématique, la morale semble nous imposer une règle temporelle psychologiquement très contraignante : ne pas différer, répondre tout de suite, fournir sans délai des réponses définitives. Il n'y aurait dans le monde de la morale qu'un instant préférable à tout autre, l'instant présent. Pas même l'instant prochain, le plus tôt possible... mais bien l'instant présent !
En un sens, il serait toujours déjà trop tard. Car, s'il s'agit de sa conscience, de la « bonne conscience » qui veut ce qui est bien, il faudrait rattraper le temps perdu à ne vouloir que ce qui est bien pour soi et absolument pas pour autrui ! Et, s'il s'agit de se tourner vers les personnes vulnérables pour enfin leur venir en aide, leur produire des soins appropriés, il ne faudrait surtout pas perdre davantage de temps !
Prolongement, la décision comme saisie du moment opportun. Sur l'idée de kaïros et la prudence, intelligence de la contingence (phronesis d'Aristote), "Kaïros ou comment savoir qu'il s'agit du bon moment pour agir", Caroline Baudouin, (2011, M-éditer)

b) La question de la répétition

Qu'est-ce l'homme ? Un être doué de parole. Un animal politique. Une personne élevée dans une société à qui il doit son humanisation, sa culture. Un individu membre d'une espèce intelligente qui ne se réduit jamais à de simples déterminations biologiques.
C'est, d'après Kierkegaard, un disciple du possible. Un être qui vit d'idéal, qui doit refuser l'idée que ce qui n'a encore jamais été fait est et demeurera impossible.
C'est encore, d'après Hannah Arendt, l'être capable de commencements. Un être capable de jugements, même sil ne possède pas de règle suivant laquelle juger, car il peut en inventer une adapter à l'objet qu'il découvre devant lui. Un être capable de générosité, qui donne sans autre raison qu'il veut venir en aide, alors même qu'à lui on n'a rien donné et qu'il n'a donc pas de dette à rembourser.
Le temps déjà vécu conditionne le temps qui reste à vivre. Mais il ne faudrait pas voir dans le déterminisme ni comme déterminisme métaphysique ou général ni comme déterminisme sociétal une sorte de force qui nie la liberté. Au contraire c'est ce qui permet à l'être d'être efficace dans son action et donc le rend libre. Ouvert aux possibles, et toujours libre d'inaugurer des commencements.
Bergson, troisième chapitre de l'Essai sur les données immédiates de la conscience
"La vérité est que le moi, par cela seul qu'il a éprouvé le premier sentiment, a déjà quelque peu changé quand le second survient : à tous les moments de la délibération, le moi se modifie et modifie aussi, par conséquent, les deux sentiments qui l'agitent. Ainsi se forme une série dynamique d'états qui se pénètrent, se renforcent. les uns les autres, et aboutiront à un acte libre par une évolution naturelle."

c) L'évènement de la rencontre

Tout évènement est une rupture dans l'ordre du temps, dans la série des choses qui doivent ou devaient arriver. Un évènement parmi tant d'autres nous concerne directement, le fait de trouver quelqu'un devant soi, sur son passage, qui nous a vu et sait que nous l'avons également vu. Il s'agit de la rencontre. Or il est possible de parler du caractère "destinal" (lié au destin) de toute rencontre importante, de toute "vraie" rencontre pour reprendre l'analyse de la sociologue Cécile Duteille.

Il faut tenir compte du caractère destinal de la rencontre,
"autrement dit de sa capacité à provoquer le changement et à bouleverser de manière radicale l’ordre existentiel du sujet. Bien que d’inspiration phénoménologique, la démarche qui veut lire les choses dans les petits actes ordinaires oublie l’autre rencontre. « La vraie », serais-je tentée de dire pour m’exprimer comme tout le monde ; celle « qui me décentre et m’invite à exister » (Cyrulnik, "L'imperceptible sensation de l'autre", p. 65) ; celle qui n’autorise à parler d’un « acteur rationnel » qu’après coup. La rencontre – dans laquelle « se constitue le secret inépuisable de l’autre » (Buytendijk, Phénoménologie de la rencontre, p. 7) – se donne pour le sens commun, comme phénomène d’exception dont la combinaison peut paraître magique. Elle est avant tout ce je-ne-sais-quoi qui apparaît dans le visage de l’Autre, un événement toujours nouveau qui sur-vient pour révolutionner le soi. Elle est ce mouvement unique, à la fois premier et dernier, primultime comme l’a écrit Vladimir Jankélévitch (La mort, pp. 300-320). Elle est enfin cet événement qui reçoit son sens destinal – d’autres diront « existential » (Buytendijk, p. 11) ou encore « événemential » (Romano, 1998, p. 40 et suiv.) – rétrospectivement, lorsque l’être rencontrant comprend qu’il a été, avant toute chose, rencontré par ce qu’il poursuit.
(...) Envisagé comme surgissement du temps, comme événement, le phénomène de la rencontre se distingue ainsi du fait ordinaire des interactions. Il n’apparaît plus seulement comme le résultat d’habitudes mais surgit, jaillit au milieu de ces mêmes habitudes, créant une béance, un désordre qui donnera lieu à une tentative de réorganisation autour d’autre chose, un autre quotidien. Explosive, convulsive, flambante, alchimique, contre les « rencontres » ordinaires, la rencontre extra-ordinaire — que j’appelle plus volontiers rencontre destinale, car nous la vivons comme nous destinant à des horizons insoupçonnés — vient rompre la continuité du vécu quotidien, de la routine, en créant un déplacement de soi à soi par la médiation de l’autre. La surprise face à l’inattendu est fonction de son effet. Louis-Vincent Thomas, anthropologue spécialiste de l’insolite, écrit à ce propos que la rencontre « exprime le fait de voir une personne ou un objet en un lieu ou à un moment où l’on ne s’attendait pas à cette présence, à plus forte raison si celle-ci s’avère incongrue » ," Imaginaire et rencontres insolites" p. 11). Entre l’avant et l’après de la rencontre, entre temps du même et temps de l’autre, temps de la répétition et temps de l’exception s’instaure une rupture temporelle que nous vivons comme telle, même si le temps n’a pas de réalité matérielle.
Le phénomène de « rupture » ne peut avoir lieu que dans ce que nous appelons la « temporalité ». Le philosophe Marcel Conche la définit comme le « temps de la conscience ou de l’existence » et l’oppose au «temps de la nature » (Temps et destin, p. 108), objectivement non maîtrisable."

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